![]() Le soleil noir de Janus
Portrait dual en marbre de Barry X Ball et de Matthew Barney
Le lundi 14 mai 2012 par Florence Valérie Alonzo Barry X Ball est un artiste américain né en 1955 à Pasadena en Californie et qui vit et travaille à New York. Après son succès à la Ca’Rezzonico de Venise, il expose dans l’espace II de la galerie parisienne Nathalie Obadia une composition d’une grande virtuosité technique : un double portrait de l’artiste Matthew Barney et de lui-même sculptés dans un marbre noir d’Italie (Italo Portoro Marble), et un marbre jaune du Portugal (Portuguese Gold Marble). Portraits de Janus, dieu bicéphale, de ce face à face à deux teintes naît une incroyable danse de matière, un soleil noir. Dual Portrait. Dark Sun. [1] Transpercé par deux flèches en acier inoxydable, le visage de Barry X Ball en lambeaux de chair crie sa souffrance, dans la solitude d’une dualité paradoxale, tandis que celui de Matthew Barney explose de plénitude. ![]() Marbre italien de Portoro, Marbre doré du portugal, acier inoxydable, pierres et métaux divers, pierre / flèche assemblées, chacune 139,7 x 13,3 x 20,3 cm, portrait en pierre : chacun 55,9 x 13,3 x 20,3 cm Avant les éléments ne faisaient qu’un tout. Lorsque l’air diaphane, l’eau, le feu, la terre se dissocièrent naquit Janus, dieu bicéphale. Il lui fut donné ce visage à double face, tourné vers le passé et regardant le présent, étrange pouvoir que de regarder en même temps en face et derrière lui. Hier et aujourd’hui sont toujours présents à ses yeux, de peur qu’en tournant la tête, il ne perde un moment précieux. Il peut voir ce qu’aucun Dieu ne peut voir. L’Orient et l’Occident. On le représentait tenant une clé dans la main gauche et un bâton dans la main droite. Dieu des portes, il commandait à leur ouverture. Jupiter même ne peut entrer et sortir sans lui. Il est aussi ancien que le monde, c’est lui qui ouvre ou ferme les portes du ciel : il gouverne à la vaste étendue de l’univers. Il préside aux portes du ciel et les gardes de concert avec les heures… A l’origine, il est associé à Saturne, dieu solaire…Dual sun [2]. Ovide, dans les Fastes, écrit en 15 après J.C, dit que Janus à ce double visage parce qu’il exerce son pouvoir sur la mer comme sur le ciel. La verticalité que confère la flèche transperçant les visages à l’œuvre de l’artiste, invite le spectateur à lever les yeux et à découvrir la myriade de suspensions qui retient le double portrait. Les ombres de Dual Portrait se projettent sur le sol de la galerie. Axe de verticalité. L’artiste classe ces installations « Matthew Barney » parmi les plus grandes et les plus complexes qu’il ait jamais réalisées. Matthew Barney / Barry X Ball Dual-Dual Portrait est la sixième et dernière œuvre d’une série d’installations consacrée au célèbre plasticien américain, Matthew Barney initiée en juin 2000 lorsque celui-ci fut invité à poser pour Barry X Ball. Depuis cette date, le projet de portraits a subi de nombreuses adaptations formelles et conceptuelles. Ici, Matthew Barney / Barry X Ball Dual-Dual portrait, 2000-2009 se révèle être deux Janus qui se font face dans une étrange intimité, comme si la tension était à son comble entre l’intimité d’une conversation que l’on imagine et la répulsion terrifiante de l’empalement par une flèche qui ouvre des entrailles de marbre ; entre la masse du médium marbre et le raffinement précis des ciselures délicates de toiles de gréement des deux hommes, inspirées des armures de parade milanaises maniéristes. Bien que tous les portraits de Barry X Ball soient sculptés dans le marbre, on observe une grande variation dans la forme, l’échelle, et les matériaux d’une pièce à l’autre. Janus incarne ce qu’est par essence même la sculpture : le pouvoir sans bouger. Le visage qui crie face à une horreur, la guerre que Barryl X Ball, tel la Méduse, a figée en le suspendant et le transperçant d’un javelot de métal. Les entrailles, dieu suspendu, selon Ovide. Dans la lignée de ses pièces les plus emblématiques, Barry X Ball poursuit ici son travail sur la possibilité d’une réinterprétation contemporaine de la sculpture historique, en prenant comme modèles des personnalités du monde de l’art, pour nous offrir une expérience sensorielle totale, faisant osciller le spectateur entre la tension du sublime et la possibilité du grotesque, voire du baroque.
« Si j’ai choisi de travailler la pierre, c’est pour son statut de matériau déclassé », explique Barry X Ball, « pour la permanence éprouvée de ce medium, à cause de son histoire glorieuse de matière à sculpter, parce que la pierre résiste aux efforts de l’artiste pour la contrôler, à cause de sa permanence dans le temps - qui contraste avec les moyens techniques dernier cri utilisés pour lui donner forme, et enfin, parce que c’est un challenge d’en faire quelque chose de plus beau que la pierre ne l’est déjà dans son état naturel. » Pour voir la sculpture : 17 mars – 16 mai 2012 Pour voir le travail de Barry X Ball : Source de l’illustration : galerie Obadia ::::::::: A lire aussi :::::::::
Auteur :
Florence Valérie Alonzo enseigne les lettres dans un lycée de Pantin et critique l’art contemporain. Elle collabore au site lacritique.org Blogueville
Victimes de la crise de la pomme de terre, la migration des irlandais en Amérique fut une épopée tragique. Montréal en a gardé une trace, une petite pierre que la ville moderne à presque avalée.. Allen Ginsberg, poète de la contre-culture, voit son long poème controverser mis en film. Alabama, mon amour a testé, pour vous, La couleur des sentiments de Kathryn Stockett auprès des lecteurs américains. Leçon de parlure québécoise par Bernard Adamus. Tom Otterness est de plus en plus présent dans les rues de New York. Petite découverte avec Dolce Vita. Les lectures d’American Polyphony : Une odyssée américaine de Jim Harrison.
Clefs :
|