Le pétrole de l’Alberta coule tous azimuts

Le jeudi 12 août 2010 par Soleillion

Alors qu’il s’agirait de repenser l’Alberta, les sables bitumineux de la province continuent de s’exporter, principalement vers les États-unis, qui en consomment la majeure partie. Les choses pourraient bien évoluer, cependant, comme le rapporte le magazine Up Her Business, car les Chinois arrivent.

L’Eldorado chinois de l’Alberta

La soif de pétrole de l’Empire du milieux [1], et de toute l’Asie, est grande et les sables bitumineux ne sont pas si loin, juste de l’autre côté du Pacifique. Or, si l’Alberta exporte tout une série de produits vers la Chine, son deuxième partenaire commercial, la Province ne lui vend pratiquement pas de pétrole. Pourquoi ? Parce que la précieuse huile, extraite brutalement en ravageant la forêt et les rivières du nord canadien, n’atteint pas les côtes du Pacifique. Seul un vieil oléoduc de près de 60 ans d’âge permet le transport de pétrole à travers les Rocheuses. Avec une capacité de 300 000 barils par jour, il n’est plus suffisant [2].

Pour remédier au problème, la société Enbrigde, une des principale compagnie pétrolière albertine, poursuit le projet de la Porte du Nord (Northern Gateway), soit la construction d’un oléoduc reliant Edmunton, en Alberta, à Kitimat, en Colombie-britannique. Un port largement au nord de Vancouver, bien moins encombré et plus direct sur la route de l’Asie, qui serait lui-aussi aménagé pour accueillir les énormes pétroliers nécessaires. Au bout d’un investissement de 40 milliards de dollars, ce tube de 1 150 kilomètres de long pourrait transporter environ 80 millions de litres par jours vers la Colombie-britannique.

Pour le magazine économique Up Here Business, la formidable manne financière que représente un tel ouvrage, les emplois direct et indirect créés dans une région qui souffre de la crise, notamment le secteur forestier, met toutes les élites économiques et politiques de la Colombie-britannique sur le mode de l’accord unanime. En outre, la société Enbridge affiche une image très verte, comme le sitoile du projet, et socialement responsable : investissement dans l’éolien [3], bilan carbone neutre, transparence financière, etc.

Les Premières nations amérindiennes de l’état [4] sont les seules à s’opposer vigoureusement à ce que l’oléoduc traverse leurs terres et 28 d’entre-elles poursuivent le projet devant les tribunaux. Elles craignent une marée noire, terrestre [5], côtière ou maritime, comme celle de l’Exxon-Valdez, qui a durablement marqué les esprits dans la région. Mais la manne financière de l’axe pétrolier sino-albertain rend les autorités amnésiques, complaisantes et très confiantes dans les progrès réalisés grâce à cette catastrophe : navire à double coque, doublage des remorqueurs, etc.

Surtout, ce qui plaît aux Canadiens, c’est que la Chine ouvrirait un second marché énorme à l’huile de roche albertine et réduirait fortement la dépendance de la province et du Canada à l’égard des États-unis. C’est un argument très fortement avancé par les tenants du projet.

Les Canadiens oublient-ils pour autant leurs voisins nord-américains ? Pas vraiment ; la formidable demande de pétrole et la menace du pic pétrolier permet au gouvernement et aux pétroliers canadiens et albertains de gagner sur tous les points cardinaux.

Texas, l’étoile du sud

Le Texas Observer signalait ainsi, au moins de mai dernier, en pleine marée noire au large des côtes de Louisiane, qu’une délégation de Canadiens étaient reçu au Texas pour faire la promotion d’un vaste projet d’oléoduc, le projet Clef de Voûte (Keystone project) [6], reliant l’Alberta à l’état à l’étoile solitaire. Ce projet d’oléoduc à haute-pression, porté par TransCanada, emmènerait plus de 1,1 millions de barils par jours, sur plus de 6000 kilomètres, de quoi multiplier par plus de deux la consommation de pétrole, issu des sables bitumineux de l’Alberta, par les Usaniens [7].

Les Canadiens ont de solides arguments qui ne laissent pas l’administration d’Obama indifférente. Les sables bitumineux ont un potentiel de 174 milliards de barils et cette production est quasi-domestique. L’Alberta pourrait être la clef des 30 prochaines années pour les États-unis et le Canada est un pays trop amis pour lui refuser son pétrole.

Les organisations environnementalistes texanes, comme Public Citizen, protestent à leurs tours contre ce projet, évoquant à la fois le caractère extrêmement sale de la production de ce pétrole, mais également les conséquences écologiques importantes de son raffinement au Texas : très difficile à extraire, il n’est pas de bonne qualité et contient de grande quantité de sulfure et d’autres métaux lourds. Les environnementalistes craignent également les fuites des oléoducs et les marées noires terrestres ; notamment à cause de la technique employée pour faire couler plus vite l’huile de roche dans les tuyaux grâce à des turbulences artificielles.

Comme les Premières nations de Colombie-britannique et canadiennes, il y a peu de chance qu’elles parviennent à faire échouer ces projets. La soif de la Chine et des États-unis est trop grande pour qu’ils se privent de l’une des plus grandes réserves de pétrole au monde et le Canada est une proie bien consentante. Les marées noires comme celles du Golfe du Mexique ou de la rivière Kalamazoo dans la Michigan ne donneront probablement qu’un peu de retards à ces projets.

Pendant ce temps, comme dans toute guerre, la forêt boréale agonise, les rivières meurent et les hommes pleurent.

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Le 11 octobre 2010 par Soleillion

Auteur :

Renart Saint Vorles est un coureur des bois numériques nord-américains.

Notes :

[1À la fin de l’année 2010, la consommation chinoise de pétrole devrait dépasser celles des États-unis

[2La société qui le possède a néanmoins de vastes projets de modernisation pour en augmenter les capacités

[3ce qui démontre une fois de plus que l’éolien industriel est avant tout un nez rouge - ou vert - des grandes firmes pétrolières ou nucléaires

[4Elles sont épaulées par les organisations environnementales comme Environnement Défense dont le rapport sur les sables bitumineux est à télécharger ici ou l’Initiative Dogwood qui lutte pour la préservation des terres et des forêts de Colombie-britannique.

[5Les fuites d’oléoducs sont souvent beaucoup moins spectaculaires que les marées noires, mais elles ont lieu beaucoup plus souvent. Enbridge perd ainsi des centaines de barils par an qui s’en vont dans la nature, comme en ce moment dans le Michigan et la rivière Kalamazoo

[6Là encore, TransCanada propose une communication très "verte" pour un ouvrage destiné à transporter la plus polluante des énergies. Undes principaux argument est l’utilisation du forage directionnel horizontal qui permet de traverser de nombreux sites en passant par en dessous sans construire de tranchées.

[7Le projet améliorera le réseau existant d’oléoduc qui relient l’Alberta et les états des grandes plaines, du Dakota du Nord à l’Oklahoma. Il est en plusieurs phases et seule la dernière, dénommée Keystone XL, concerne le Texas (voir une carte ici). Elle permettrait à l’Alberta d’avoir un débouché sur le Golfe du Mexique. La vidéo du projet Keystone est ici


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